Diriger les autres est un art et, surtout, une compétence à acquérir pour développer l’efficacité et la stabilité de son personnel. Bien qu’accaparés par les tâches du quotidien, il est essentiel pour les cadres et les dirigeants d’en avoir conscience et de se former, comme le souligne Isabelle Caule, consultante, coach certifiée et fondatrice du cabinet Mon Équipe et Moi. Le secteur médical, en particulier la biologie médicale, ne fait pas exception à cette règle intangible.

Cet article a été rédigé et a été diffusé sur leur site par le Syndicat des biologistes le 15 septembre 2022. 

responsable santé

Le management est-il un sujet trop absent chez les cadres et dirigeants des laboratoires de biologie médicale ? 

Isabelle Caule : Dans le milieu médical, les professionnels ont une formation médicale et technique très pointue. En revanche, je constate qu’aucune formation de management n’est prévue dans leur cursus universitaire. Pourtant quand ils dirigent une entreprise (laboratoire, pharmacie, cabinet etc.), ils se retrouvent à la tête d’une équipe. Leur premier réflexe est alors souvent de faire appel à leur bon sens. Mais ce qui pouvait fonctionner dans des structures d’une dizaine de personnes trouve rapidement ses limites dans les structures actuelles.

Et dans ce contexte concurrentiel de regroupements, il est encore plus crucial, pour la stabilité et la rentabilité de ces structures, de créer un environnement dans lequel les gens se sentent bien et sont efficaces dans leur travail. Contrairement à une idée reçue, le management n’est pas quelque chose d’inné ni une qualité naturelle dont on serait pourvu… ou pas. Le management est une compétence qui s’apprend. Et qui nécessite d’y consacrer du temps. Le monde de la biologie a évolué fortement cette dernière décennie, cette réalité nécessite une évolution du poste de cadre biologiste. Je pense que les laboratoires qui sauront en prendre conscience, développer et valoriser la compétence managériale disposeront d’un atout décisif face à leurs confrères.

Soit, mais comment ?

I.C. : J’ai maintes fois constaté l’emploi du temps surchargé des biologistes médicaux, les résultats à livrer quotidiennement, les imprévus et difficultés de tous les jours. Ils ont besoin d’accompagnements flexibles, centrés sur les problématiques de leurs propres laboratoires avec un soutien fiable dans le temps. Des coachs ou des sociétés comme la mienne proposent ce type d’accompagnement en management. Les formations collectives sur quelques jours permettent certes d’apprendre quantité de choses intéressantes mais qu’ils n’ont trop souvent pas le temps ou les moyens de mettre en place dans leur société, happés par le retour de feu du quotidien, qu’ils ont délaissé quelques jours pour se former. Savoir faire, c’est bien ; le faire, c’est mieux.

Pour cela, comme alternative ou en complément à ces formations collectives, les accompagnements individualisés se développent. C’est par exemple mon cas. Ma méthode consiste à toujours commencer par un entretien bilan. En effet, chaque cadre est confronté à des problématiques différentes en fonction de son entreprise, de ses fonctions, de ses projets, de son environnement, de sa propre personnalité mais également de ceux qu’il dirige. Mon rôle est de clarifier les problématiques puis de proposer des outils qui permettront de les traiter, et de soutenir le biologiste dans leur mise en pratique sur le terrain au cours de sessions courtes et régulières, s’inscrivant plus facilement dans un emploi du temps.

Certains biologistes souhaitent développer leur capacité à bien déléguer, à faire un recrutement, à mener des entretiens annuels utiles et efficaces, à prendre confiance dans leur posture de cadre, à gérer des conflits… etc. Dans tous les cas, je mixe des apports théoriques et du coaching sous forme d’entretiens récurrents destinés à accompagner et soutenir le biologiste dans sa mise en pratique de ces outils au quotidien, en particulier avec ses équipes. Le suivi est essentiel pour permettre l’acquisition réelle et durable des compétences et réajuster d’une séance sur l’autre en fonction des résultats obtenus sur le terrain. Beaucoup de cadres et dirigeants apprécient d’avoir un professionnel qui les soutient et avec qui ils échangent pour trouver des solutions. Au lieu de subir et de réagir à ce qui se passe autour de lui, le cadre va alors véritablement prendre en charge son équipe dans des conditions de travail profitables à tous.

Quels sont les dysfonctionnements les plus récurrents que vous avez pu constater en termes de management dans les laboratoires de biologie médicale ?

I.C. : J’ai constaté dans toutes les équipes où j’ai travaillé qu’il existe un lien direct entre l’état d’esprit du cadre et celui de son équipe. Les problématiques constatées sont, en règle générale, d’ordre pratico-pratique. Par exemple, comment faire un bon recrutement. Très souvent, le biologiste a du mal à préciser son besoin et ne sait pas quelles questions poser pour sélectionner la personne qui répond à ce besoin. Les problèmes en entreprise viennent plus souvent de la gestion des personnalités que de l’expérience qu’on peut lire sur un CV. J’aide à préciser le besoin, à définir les questions adéquates et à analyser les réponses.

Concernant les entretiens annuels, le cadre se cantonne souvent à des objectifs vagues que l’on pourrait résumer trivialement par « Il faut faire le travail », source d’interprétations, d’incompréhensions, générant inefficacité, erreurs, voire conflits. Mon rôle est alors d’aider à préciser et personnaliser les objectifs, à les inscrire dans le développement de l’entreprise et à fournir une trame personnalisée d’entretien. De même pour ce qui est de la délégation, laquelle ne se résume pas à dire : « Je te confie cette mission ». Il est en effet essentiel de donner une échéance, de donner du sens, de s’assurer que la personne est capable et se sent capable. La délégation est un formidable outil de motivation, d’évolution et de gestion du temps.

Autre point sensible que je rencontre souvent : la communication entre associés ou avec une équipe, notamment en vue de prévenir l’apparition de conflits. De même, le délicat équilibre qui consiste à répondre aux attentes de ses salariés mais également à savoir dire non sans que cela ne génère de la démotivation ou de l’énervement n’est pas évident à trouver mais s’apprend. C’est pour ça qu’il est à chaque fois nécessaire de développer des savoir-faire et savoir-être afin d’éviter des écueils maintes fois identifiés : le turn-over, un déficit d’attractivité, une santé personnelle loin d’être optimale, un climat de tension par essence délétère etc.

Que répondre à ceux qui ne croient pas à l’intérêt de soigner leur management d’équipe ?

I.C. : Tout d’abord, qu’un salarié compétent et motivé, qui donne le maximum pour l’entreprise, cela n’a pas de prix. Il est non seulement plus efficace mais également source de propositions dans un contexte d’émulation collective. Cela permet, en outre, aux biologistes de se consacrer au bon fonctionnement du laboratoire mais aussi au développement de nouveaux projets ou simplement à leur rôle médical. Ceci n’est pas neutre dans un secteur aussi concurrentiel que celui de la biologie médicale où il convient de se distinguer par la qualité de sa relation avec les patients, avec les prescripteurs et en apportant de nouvelles solutions avec rapidité et flexibilité comme dans la crise COVID que nous venons de connaître.

Un mal-être au sein du personnel va très souvent se ressentir d’une manière ou d’une autre, et d’abord à l’accueil. Plus largement, un mauvais management peut être source de dysfonctionnements et d’erreurs qui affectent le processus qualité mais également la communication interne et, de manière générale, tout ce qui n’est pas l’objet d’une protocolisation. Ce qui s’avère d’autant plus préjudiciable quand on a justement besoin de flexibilité et de rapidité, en particulier dans les moments de crise ou d’innovation.